Le professeur Joyeux défend l'agriculture biologique!
Une de ces dernières lettres de 2014 montre son attachement à l'agriculture.
Voici cette lettre :
URGENCE ! L’agriculteur, premier acteur de votre santé
Il y a longtemps que je pense et affirme dans toutes
mes conférences que l’agriculteur est le premier acteur de notre santé.
Le deuxième acteur, c’est chacun d’entre nous, si nous
connaissons bien et gérons correctement notre patrimoine de santé.
C’est l’objectif de mes lettres hebdomadaires, très
largement diffusées, dont j’ai les meilleurs retours.
Le troisième acteur est évidemment le médecin avec ses
innombrables spécialités qui saucissonnent tellement le corps humain qu’il peut
perdre la vision globale, celle des interactions entre les organes, les tissus,
les cellules…
Malheureusement, les médecins sont surchargés de
travail et en particulier de maladies nouvelles liées à de mauvaises habitudes
alimentaires. Il y a urgence à réagir.
Nous sommes inondés de produits industriels poussés
par des allégations nutritionnelles souvent fausses, responsables de
perturbations immunitaires très sérieuses et en plus de gaspillages monstrueux.
Récemment j’observais une pub de café avec, en titre,
« Faites le plein de vitamines », alors qu’il n’y en a pratiquement
pas, sauf à des doses infinitésimales de B2, B3 et B5 qui ne représentent
pas 1 % des AJR (apports journaliers recommandés).
Nous sommes en lien étroit avec la nature, avec
l’environnement, et il ne se passe pas de semaine sans qu’on vérifie les
méfaits d’une pollution grandissante, dans les villes et dans les campagnes.
J’ai déjà essayé de donner une grande conférence
bénévolement au Salon de l’agriculture, mais je n’y suis pas encore arrivé.
Pourtant je souhaite promouvoir une agriculture de grande qualité, biologique,
biodynamique, bioholistique… et que l’agriculteur soit valorisé
intellectuellement et financièrement pour son travail au service de la santé
humaine et environnementale.
De plus en plus de jeunes en sont conscients. Nous
devons les soutenir dans leur combat qui n’est autre que celui de la prévention
santé.
Parce que l’agriculture saine est le maillon essentiel
à la construction d’une bonne santé, j’ai donc choisi cette semaine de donner
la parole à un paysan : Yves de Fromentel. Écoutez son histoire !
En convertissant l’ensemble de sa ferme en bio, en
2009, Yves de Fromentel savait que cela ne serait pas chose facile. En effet,
les éleveurs de vaches laitières bio sont actuellement une espèce en voie de
disparition. Il en reste seulement 3 en Ile-de-France, la collecte de
lait bio est inexistante, les obligeant à transformer eux-mêmes leur lait pour
le valoriser et cesser de vendre à perte aux industriels. Deux
choixs’offrent à Yves : investir dans une fromagerie à la ferme avec
vente directe, ou vendre l’élevage.
Dans sa démarche de sauvegarde, installer une
fromagerie en faisant appel au soutien financier des citoyens et consommateurs
lui est apparu comme la seule solution. Je vous invite à découvrir le projet de
la Fromentellerie très bien expliqué en suivant ce lien.[1]
D’où venez-vous ?
Yves de Fromentel : Je suis issu d’une famille de 6 enfants et suis né sur la
ferme familiale à Beaulieu (Pécy, Seine-et-Marne). Mon père était céréalier et
éleveur. La ferme était alors en polyculture, polyélevage : les cultures
et l’élevage étaient diversifiés. On y trouvait des vaches laitières, tenant
compagnie aux cochons, mouton, poules, canards, etc… Mes parents transformaient
les produits de la ferme et les vendaient dans les maisons de régime.
Puis en 1976 les choses ont changé… Mes parents
ont basculé dans une agriculture plus productiviste, bien qu’elle soit toujours
restée raisonnée. Nous avons agrandi la surface des terres cultivées, augmenté
le nombre de vaches laitières, vendu les autres animaux. Évidemment, une
production plus importante ne pouvait pas être transformée à la ferme. Toute la
production laitière comme céréalière a été vendue à des industriels. Nous
sommes entrés dans une course aux économies d’échelles : investir pour
produire plus, produire plus pour investir, rembourser les emprunts. La
quantité au détriment de la qualité.
En 1993, je reprends l’exploitation, puis
convertis la ferme en bio en 2009, me sentant responsable de la santé des
consommateurs ! La conversion au bio s’est donc faite en conscience,
malgré l’absence totale de débouchés bio pour
mon lait. L’Ile-de-France, avec trois éleveurs de vaches laitières bio, ne
produit pas assez de lait bio : aucune collecte bio. Mon lait est vendu à
un fromager industriel qui me rachète le lait de qualité au prix du lait non
bio.
Aujourd’hui, les prix du lait ont baissé et ne
permettent plus à un éleveur de vivre de son travail. En perdant
10 centimes par litre de lait, cela ne peut continuer éternellement. La
difficulté est de s’extraire de cet engrenage. Je suis actuellement acculé
financièrement. Pour m’en sortir, une solution : la transformation.
Revenir à un système de production plus petit, avec une production de qualité,
valorisée par la transformation sur la ferme et la vente directe de proximité.
Pourquoi ne pas vendre l’élevage
et vivre de la céréaliculture, tout simplement ?
J’ai converti la ferme en bio car j’avais gardé
l’élevage, tout comme mon père que je remercie.
En effet, l’agriculture doit pour moi remplir
3 fonctions :
·
nourrir les gens
sainement et leur permettre de rester en bonne santé,
·
maintenir un paysage et
une biodiversité,
·
créer de l’emploi rural
pour les jeunes attirés de plus en plus par la nature et son respect.
Cela est impossible
sans élevage. Lorsqu’on a des vaches, on garde des prairies dans lesquelles on
va laisser une source, un bosquet qui serviront aux bêtes pour s’abreuver et
faire de l’ombre. On conserve ainsi un paysage. L’élevage laitier demande de la
main d’œuvre. On favorise et recrée ainsi de l’emploi rural dans nos villages.
Enfin, l’élevage permet la
production de fumier indispensable à une agriculture biologique de qualité.
Pourquoi ?
Un
herbivore ruminant, bien nourri, présente dans sa panse des millions de
variétés et d’espèces différentes de bactéries, qui se retrouvent dans le
fumier. Chacune de ces bactéries a son rôle à jouer. Elles sont
spécialisées : l’une permettra de solubiliser le fer, l’autre le cuivre,
le manganèse, le magnésium, le bore, le soufre, la potasse, etc… qui sont
autant d’éléments indispensables à la construction des différentes fonctions de
la plante : sa croissance mais aussi son immunité. Car la plante, comme
l’homme, a un système de défense immunitaire très bien organisé pour donner le
meilleur d’elle même.
D’où
l’importance d’un fumier de qualité.
La qualité n’est-elle pas une
notion subjective ?
J’ai
suivi la formation de l’IRABE (Institut de Recherche en Agriculture
Biologique pour l’Europe).
L’IRABE
est un organisme de recherche qui a mis au point des méthodes qui permettent
d’obtenir une production de haute qualité biologique, indispensable pour
maintenir ou restaurer la santé des consommateurs.
La
qualité biologique des produits est une notion objective. Cette qualité se
définit par 3 principaux critères :
1. une valeur nutritionnelle mesurable
L’IRABE obtient sur sa ferme des fruits avec une teneur en vitamines C et
en glucides 2 ou 3 fois supérieure aux références internationales.
2. une capacité exceptionnelle de conservation
Un fruit qui pourrit est un fruit carencé, déséquilibré. Un fruit de qualité ne
doit pas pourrir.
3. une très grande qualité organoleptique
Un fruit de qualité est particulièrement savoureux et parfumé.
Ces
trois composantes sont liées et interdépendantes. Cela résulte de la
composition du fruit, en fonction de la méthode de culture.
L’IRABE
a mis au point une méthode de culture qualifiée de « bioholistique »
en raison de son approche globale.
Cette
méthode lui permet d’obtenir des résultats exceptionnels depuis 20 ans sur
la ferme expérimentale de l’IRABE à Carpentras, dans le Vaucluse.
La
présidente de l’IRABE, Dominique Florian, se consacre aujourd’hui à faire
connaitre cette méthode par des conférences, des publications et des formations
auprès des agriculteurs et des jardiniers.
L’objectif
est de démontrer que l’obtention de ces résultats exceptionnels est
reproductible où que ce soit. Il suffit d’appliquer cette méthode
bioholistique, parce qu’elle constitue une approche globale.
C’est
pourquoi l’IRABE a créé un groupe de fermes pilotes pour prouver la
reproductibilité de cette méthode dans une dizaine de fermes en France, dont la
mienne. Ce projet est soutenu par la Fondation de France.
Le
fumier d’herbivore, sa production et « l’élevage » de ce fumier
constituent un des fondements de la méthode de l’IRABE.
Or,
l’utilisation de ce fumier suppose de sauver les élevages laitiers bio
aujourd’hui en voie de disparition en France. C’est pourquoi l’IRABE a décidé
de lancer une pétition pour sauver l’élevage.
Vous
pouvez lire cette pétition sur le site web de l’IRABE.
Mais quel est le lien avec votre
projet ?
Je
voudrais mettre en place cette qualité sur la ferme car elle est pour moi gage
de bonne santé. Mon métier est de nourrir sainement les gens en leur permettant
de rester en bonne santé !
Vous
avez compris que pour cela le fumier d’herbivore, et donc l’élevage, est
indispensable. Je voudrais arriver à terme à retrouver une diversité d’élevage
sur la ferme. J’aimerais également pouvoir choisir une race de vache rustique,
valorisant mieux l’alimentation bio (fourrages, prairie) et produisant du lait
et du fumier de qualité. La vache Jersiaise est une petite vache dont le lait
est très riche et de grande qualité. Mais avant, il est nécessaire de retrouver
un équilibre financier et donc de valoriser les produits de l’élevage à leur
juste valeur.
Ma
seule solution dans la situation actuelle est de transformer moi-même le lait
afin de gagner en valeur ajoutée, et de commercialiser en vente directe de
proximité afin d’éliminer les intermédiaires.
Le
projet est de créer un petit atelier de transformation fromagère sur la
ferme : la Fromentellerie, dont l’activité commencerait
en avril. Nous voudrions produire du fromage (tomme pour commencer), fromage
frais, fromage blanc, beurre, crème, lait cru conditionné. La Fromentellerie
rachètera sa matière première, le lait, au prix de 75 centimes le litre.
Le
but de La Fromentellerie est de soutenir l’élevage de la ferme, d’arrêter
l’hémorragie financière causée par la vente à perte du lait. Ce projet est
également indispensable pour ma famille. Mes deux enfants sont intéressés pour
reprendre et diversifier l’activité sur la ferme et font des études en ce sens.
Perdurer et remonter la barre pour leur permettre de reprendre la ferme en
bonne santé est pour moi indispensable.
Non
soutenu par les banques et par la région du fait de la situation financière
difficile, je me suis tourné vers le financement participatif :
investissement solidaire via les Cigales (Clubs d’Investisseurs Solidaires) et
Garrigue (Société de capital Risque Solidaire) en qui nous avons non seulement
trouvé un soutien financier mais aussi un épaulement humain.
En
complément, je me tourne vers vous tous : nous avons lancé un projet de
financement participatif ou crowdfunding sur la plateforme internet de My Major
Company. Le projet s’appelle « Une fromagerie pour
Beaulieu ». Il s’agit d’un système de dons avec
contreparties en nature que je vous invite à découvrir sur la page,
jusqu’au 1er janvier 2015.
Sur
cette page, le projet est repris et permet de mieux en connaître les porteurs,
notamment à travers une vidéo.
Serait-ce l’avenir de la
paysannerie française, et je dirais même européenne ?
La Fromentellerie rentre
dans un projet global de restructuration de la ferme allant dans le sens du
retour à la paysannerie : moins de quantité pour plus de qualité.
Une
règle de conduite qui ne soit pas aliénée au remboursement des emprunts ou aux
subventions, mais par la volonté de l’agriculteur de répondre à sa
fonction : nourrir sainement les gens. Sortir de la course aux économies
d’échelles n’est pas chose facile lorsqu’on est pris dans l’engrenage. Je
voudrais montrer que la chose est possible, que le jeu en vaut la chandelle.
Notre réussite peut en encourager d’autres à sauter le pas. Notre action locale
peut avoir une répercussion plus importante. Mais nous faisons, comme le dit
Pierre Rabhi, la part du colibri.
L’agriculteur
est le premier acteur de la santé des consommateurs. Vous avez un rôle à jouer
ne serait-ce que par le choix de consommation que vous faites. L’achat revêt
alors une signification forte. Le mode de consommation peut faire
évoluer le mode de production. Aidez-moi à redevenir un paysan !
Nous
comptons sur vous, et vous attendons de pied ferme pour vous faire découvrir
les merveilles de la ferme !
Yves
de Fromentel
Vous
avez compris. L’avenir de l’agriculture française est en marche. Elle ne dépend
pas des grands groupes internationaux qui étranglent les agriculteurs, les
obligeant à vivre dans l’endettement et le stress permanent sous la dépendance
des banques.
C’est
aussi la santé des consommateurs que nous sommes tous qui est en jeu.
La
symbiose entre agriculture et santé apparaît de plus en plus évidente.
Vous
tous, de l’Ile-de-France et des départements limitrophes, allez voir et
soutenez la Ferme de Beaulieu qui est à votre service pour votre santé.
Professeur Henri
Joyeux
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